Et voici le deuxième et dernier épisode de mon introspection autour du cancer.
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Et voici le deuxième et dernier épisode de mon introspection autour du cancer.
L’histoire commence par une banale douleur à la jambe droite, douleur qui peu à peu s’installe et s’intensifie au cours de l’été 2019.
Pas de chute, pas de chocs qui pourraient justifier ce mal, juste la maladie de Lyme très présente, possiblement au stade des atteintes neurologiques.
Septembre 2019, la douleur loin de disparaître, augmente encore, au point que Papa est ok pour aller faire une radio.
Rien à la radio, rien de particulier non plus décelé par l’ostéopathe, et retour à la maison avec perte assez rapide de mobilité à cause de la douleur.
Et la douleur devient telle que mon Papa « druide » qui utilisait ses connaissances sur les plantes pour se soigner au quotidien demande des antidouleurs opiacés.
6 novembre 2019, impossible de bouger, les pompiers viennent récupérer Papa à la maison, et à l’arrivée aux Urgences, le verdict nous assomme : fracture du fémur !
Quoi ?
Comment est-ce possible ?
Est-ce au moment où les pompiers ont soulevé Papa que le fémur a été fracturé ?
Est-il possible de ne pas voir une fracture sur une radio ?
Quelques jours et examens plus tard, les mots de cancer, métastases, chimiothérapie, radiothérapie commencent à apparaître.
Et là débute notre parcours du combattant pour avoir des informations, entre le service oncologie de l’hôpital fermé car le chef de service est en burn-out, les médecins qui ne nous répondent pas et les réflexions autour du protocole à appliquer.
On commence par une opération pour fixer le fémur, avec une longue broche car les os sont en très mauvais état à l’intérieur.
Malgré cette opération, Papa ne remarchera jamais.
Et grâce à cette opération, nous avons pu l’aider à faire ses besoins et sa toilette, à la fois pour ne pas déranger les infirmiers et infirmières du service déjà surchargés, et pour partager ces moments si particuliers.
Puis le verdict tombe : cancer des poumons avec métastases osseuses, très agressif et très douloureux.
Ensuite on nous parle chimiothérapie et radiothérapie, sans jamais nous dire si Papa peut guérir. A la question « Quelle est l’espérance de vie de Papa ? » une oncologue me dit « Je ne peux pas répondre à cette question », et une interne ajoutera par la suite « 50% de chances de survie entre 6 mois et 1 an » !
En y réfléchissant à postériori, je me suis souvenue qu’un médecin nous avait expliqué qu’il existait 8 types de cancer du poumon (information non vérifiée) et que Papa avait contracté le plus agressif et le plus douloureux, bien joué !
En vrai, je n’en veux à personne et je comprends que certaines familles ne sont pas prêtes à entendre la vérité et le destin à court ou moyen terme des personnes qu’elles aiment, mais je trouve quand même très embêtant de n’avoir jamais de réponse claire quand on pose les questions.
Evidemment que je pleure en posant cette question, je suis juste en train de vous demander quand mon Papa va mourir pour qu’on puisse s’y préparer tous ensemble, mais mes yeux larmoyants ne signifient pas que je ne voulais pas entendre la réponse…
Papa nous a demandé si nous étions d’accord pour qu’il ne fasse pas de chimio, et même si je voulais de tout mon cœur qu’il soit guéri, c’était son corps (et lui devait savoir que la bataille était perdue) et sa décision, donc oui, j’étais tout à fait d’accord, et prête (ou pas) à l’accompagner jusqu’au bout de cette guerre.
Les rayons pouvant atténuer les douleurs insoutenables, nous avons changé d’hôpital pendant 1 semaine, pour essayer de soulager Papa, mais toutes les manipulations autour des rayons (passage du lit à la machine de radiothérapie et inversement) étaient tellement douloureuses que le bénéfice en devenait inexistant voire même négatif.
L’avantage de ce changement d’hôpital a été la rencontre avec le Dr S., qui nous a expliqué à Maman et moi que la maladie était extrêmement agressive et avançait très très vite, qu’il fallait se préparer à des complications et prévoir l’après et qui nous a proposé les soins palliatifs dans l’hôpital le plus proche de la maison et de nos proches.
Nous sommes alors le 20 décembre 2019, soit moins de 2 mois après l’hospitalisation, et les soins palliatifs c’est un peu comme une maison de retraite, une place qui se libère signifie que quelqu’un s’en est allé, donc nous acceptons en sachant que la seule inconnue est la date à laquelle nous laisserons la chambre aux suivants.
Ainsi, nous avons pu passer nos 13 derniers jours ensemble, Maman dormant à l’hôpital et nous naviguant pour gérer la maison (et les vaches, chèvres et poules), les repas, l’intendance, tout en partageant des moments avec Papa.
Les opiacés font divaguer Papa, puis lui font perdre sa voix mais il nous reste encore les sourires et les échanges de regards, la complicité et l’amour.
31 décembre 2019, alors que tout le monde prépare la Saint Sylvestre et que pour ma part j’allais faire une séance de sport avant de retourner à l’hôpital, Maman m’appelle et me dit que Papa « veut crever » (ce seront ses derniers mots).
S’ensuivent 2 journées assez désagréables, pendant lesquelles nous sentons l’esprit de Papa prisonnier de son corps mais le corps médical n’est pas autorisé à le libérer, alors qu’il est condamné à très courte échéance, tout le monde le sait !
Ah comme j’ai détesté la question « Êtes-vous confortable ? » posée de manière régulière à Papa et qui était le code pour définir si la sédation devait être augmentée ou non.
Comment quelqu’un qui n’a pas fait médecine peut comprendre ce code ?
Pourquoi continuer à donner du calcium y compris en soins palliatifs avec des métastases en train de détruire tous ses os ?
Pourquoi les proches du patient qui ne peut plus s’exprimer ne peuvent pas être ses porte-paroles ?
Comment l’aider à abréger ses souffrances sans que cela ne soit répréhensible ?
Tant de questions que je me suis posées, sans trouver ni même forcément attendre de réponse.
Dans la nuit du 1er au 2 janvier 2020, dans un des rares moments où Maman dormait sur son lit d’appoint, Papa s’en est allé, débarrassé de toutes ses souffrances.
Travaillant à mon compte, j’ai en ce qui me concerne eu la chance de pouvoir passer tout le temps que je voulais à l’hôpital, accompagnant Papa du mieux que j’ai pu, cuisinant des plats pour lui donner envie de manger, amenant des gâteaux aux membres des différents services traversés, apportant avec moi ma joie et ma bonne humeur (si si c’est tout à fait possible même dans ces moments-là).
Et même si je suis athée et n’ai aucune croyance particulière sur la vie et la mort, j’aime me dire qu’il est parti rejoindre son petit frère Béru et qu’ils s’occupent tous les 2 en attendant les suivants.
Apprentie scribe, j'ai décidé fin 2021 de mettre enfin en place le blog auquel je pensais depuis des années ! Pas de limites sur les sujets, pas de stress sur le rythme de publication, juste le plaisir d'écrire et de partager...
Simplement magnifique. Je t’aime tellement
Merci Gallou que j’aime <3